Le programme du Nouveau Front Populaire propose d’« augmenter les salaires par le passage du SMIC à 1 600€ net par mois » dans les 15 premiers jours d’un éventuel mandat. Compte tenu du niveau du SMIC actuel (1 398,70 € net par mois), cela correspond à une hausse de 14,4%. Cette hausse ne peut toutefois pas s’apparenter entièrement à un coup de pouce dans la mesure où, à l’aune des dernières prévisions d’inflation de l’Insee, une revalorisation automatique de 2% du Smic serait proposée en août 2024, ramenant le « coup de pouce » à 12,4 %.
Le SMIC, à l’instar des autres salaires, a un statut ambivalent : il peut être considéré comme une variable de demande si l’on se place du côté des salariés mais constitue une variable d’offre pour l’entrepreneur. Par conséquent, une hausse du SMIC correspond à un choc de demande favorable pour les salariés et à un choc d’offre défavorable pour les chefs d’entreprise hors effet des exonérations de cotisations. Dans un contexte de faible diffusion, ces deux effets de sens inverse ne se compensent pas :
L’aspect « soutien de la demande » se limite aux seuls salariés proches du SMIC. Ceux-ci ont certes une propension marginale à consommer forte – le taux d’épargne n’augmente pas avec cette mesure – mais le nombre restreint de bénéficiaires limite les effets sur la consommation des ménages au niveau macroéconomique. Le supplément de revenu lié à cette augmentation du SMIC génèrerait 142 000 emplois ;
L’aspect « hausse du coût du travail » est fortement destructeur d’emplois en l’absence de mesures d’accompagnement: l’élasticité de l’emploi au coût du travail étant décroissante avec le salaire, la faible diffusion du SMIC sur les autres salaires augmentera peu le coût du travail au niveau macroéconomique mais, étant concentrée sur les bas salaires, l’élasticité moyenne sera forte. La hausse du coût du travail liée à la hausse du SMIC détruirait 322 000 emplois. Au total, selon notre simulation, une hausse de 12,4 % du SMIC, hors effet liés aux baisses de cotisations, entraînerait une destruction de 180 000 emplois au cours de la première année (tableau 1), sans tenir compte des exonérations de cotisations supplémentaires liées à la hausse du SMIC et à sa diffusion sur les autres salaires.
Les salaires n’étant pas indexés sur le SMIC, un coup de pouce ne se répercute donc pas automatiquement sur la grille des salaires. Selon notre estimation, une hausse de 1 % du SMIC entraînerait une hausse moyenne des salaires de l’ensemble du secteur marchand de seulement 0,1 %. Or, à législation inchangée, les exonérations de cotisations liées à la hausse du SMIC sont d’autant plus forts que la diffusion est faible. Plus la baisse du salaire relatif (en % du SMIC) est importante, plus le taux moyen d’exonération de cotisations augmente en raison du profil dégressif des exonérations de cotisations sociales patronales. Finalement, si les mesures d’exonérations restaient inchangées, la baisse du coût du travail liée au supplément d’exonération de cotisations permettrait la création de 151 000 emplois.
Au total, comme le résume le tableau 1, à l’horizon d’1 an, et toutes choses égales par ailleurs, l’effet d’une hausse de 12,4 % du SMIC détruirait 29 000 emplois et dégraderait de 0,3 point de PIB les finances publiques.
Le financement de cette mesure entraînerait des pertes d’emplois supplémentaires : selon le mode de financement retenu, les pertes d’emplois seraient proches de 50 000.